Adapter la formation pendant le Ramadan

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Étude de cas

Adapter la formation pendant le Ramadan

Type de formation

Formation professionnelle de niveau V.

Définition de l'apprenant

Prisonniers musulmans et non musulmans en formation.

Description du groupe

Groupe de 12 stagiaires. Après avoir soumis une demande à la prison, ils ont été sélectionnés en fonction de critères de sécurité, d'attitude et de motivation. Ils sont de différentes origines avec un faible niveau de formation et une connaissance élémentaire du français (niveau A2). Les étrangers sont presque tous des musulmans qui montrent une pratique religieuse.

Définition de la situation initiale

Nous sommes en période de Ramadan qui coïncide avec le dernier mois d'une formation pour des adultes incarcérés en maison d'arrêt.

Les étudiants musulmans pratiquants ont du mal à suivre les leçons et, en particulier, les activités en groupe, accusant la fatigue du jeûne pendant la journée. Certains déclarent vouloir quitter le parcours. Cette situation inquiète les formateurs car l'examen final est proche.

En outre, cette période, pendant laquelle les jeûneurs bénéficient d'aménagements hors du dispositif de formation, crée une opposition au sein du groupe. Certains étudiants non musulmans ressentent une injustice et se considèrent discriminés.

Le formateur décide d'affronter directement le problème avec l'intention de trouver une solution respectueuse pour tous, mais aussi d'assurer la réussite du cours.

Description du cours

Formation pour des prisonniers adultes visant à obtenir une qualification professionnelle avec une très grande partie consacrée à la pratique.

Description de l'équipe éducative
  • Formateurs spécialisés par domaines.
  • Coordinateur.
Actions possibles et impacts
Actions
Impacts

Réunion entre les formateurs et le personnel de la prison pour enquêter sur le problème.

Identifier l'ampleur du conflit généré par le contraste entre les différentes pratiques, les positions les plus extrêmes et la dynamique au sein du groupe. Identifier les actions possibles.

Discussion au sein du groupe de stagiaires afin de faire apparaître le problème, les différentes attentes, la dynamique de conflit entre groupes et entre individus.

Les stagiaires sont prêts à trouver une solution parce qu'ils sont impliqués dans la recherche de solutions.

Organisation d'une session de sensibilisation au principe de laïcité qui organise la société et dont le respect est d'autant plus important que la diversité culturelle croît et que le prosélytisme se développe. L'intervenant sera choisi pour sa capacité à s'adapter à un faible niveau culturel et à être entendu par les stagiaires. L'interdiction des discriminations, fondée notamment sur la religion, sera rappelée. Une présentation de différentes religions pourra être faite.

Toutes les parties prenantes ont une meilleure connaissance des obligations imposées par le respect de la laïcité dans un contexte multiculturel. Elles sont préparées à entendre les différentes opinions.

Le coordinateur, en accord avec les formateurs, invite tous les apprenants à s'entendre sur une solution qui respecte la liberté de chacun. Il leur rappelle leurs devoirs et engagements en ce qui concerne la participation à la formation. Il rencontre individuellement chacun des apprenants qui ont montré les positions les plus rigides.

Les apprenants qui ont les positions les plus rigides commencent à ouvrir leur esprit, conscients de la nécessité de valider une formation dans laquelle ils ont déjà investi du temps.

Il est proposé d'organiser des activités pédagogiques alternatives, de passer au matin les exercices pratiques et les cours théoriques de l'après-midi parce que les jeûneurs accusent plus la fatigue dans l'après-midi. L'importance de respecter son engagement dans la formation est réaffirmée. Il est proposé de dédramatiser la situation en organisant une fête collective à la fin du Ramadan.

Tous les apprenants se sentent intégrés et ils gardent leur motivation pour apprendre. Les apprenants qui ne jeûnent pas acceptent également cette réorganisation qui n'a pas d'incidence sur leurs propres chances de succès à l'examen.

L'organisation de la formation est revue en période de Ramadan.

Une source de conflit est supprimée pour les futures sessions de formation.

Conseils, remarques, conclusions

La prison est un contexte qui a pour priorité le contrôle et la sécurité, même s'il doit aussi préparer la réinsertion des prisonniers.

La formation rapproche des apprenants adultes d'origines et de milieux différents, mais en majorité musulmans et particulièrement en risque de radicalisation. Ainsi, des personnes qui étaient non pratiquantes ont tendance à montrer qu'elles suivent des rituels pour ne pas être stigmatisées ou pour bénéficier d'une exception à la règle. Les personnes d'autres religions, ou athées, minoritaires, peuvent se sentir exclues et rejeter ce qu'elles considèrent comme un traitement de faveur envers les jeûneurs (collation supplémentaire, nourriture transmise par les familles et des associations, bruit nocturne...). Les jeûneurs eux-mêmes peuvent avoir l'impression d'être discriminés parce qu'en prison, ils ne sont pas complètement libres de suivre des rituels incompatibles avec l'organisation carcérale (grandes ablutions, fêtes...). Ceci peut les conforter dans un rôle de victimisation et offre des arguments aux fondamentalistes pour renforcer leur radicalisation. Tout ceci, ajouté à la fatigue génère un malaise et des conflits individuels mettant à jour des préjugés.

Les formateurs engagés dans la gestion de l'enseignement, de tradition laïque, ne prennent pas toujours en compte les facteurs de risque liés à l'intolérance et susceptibles de provoquer des conflits.

Ils doivent agir de concert avec le personnel pénitentiaire pour prendre en compte les contraintes réglementaires, sécuritaires et organisationnelles afin de maintenir une dynamique formative efficace.

Un effort de pédagogie doit ensuite être fait pour que tous, y compris les étrangers qui maîtrisent mal les codes culturels et la langue, acceptent les adaptations nécessaires.

Dans notre cas, le processus suivant peut être suivi :

  • analyse du problème,
  • coordination entre les formateurs et le personnel pénitentiaire,
  • ouverture à la discussion dans le groupe,
  • pédagogie et explication des données,
  • médiation,
  • recherche de solution en commun,
  • réorganisation temporaire des horaires de formation.
Mots-clés
Laïcité
Prisons
Religions